Qui est donc le produit?
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que, depuis le début de la révolution industrielle, trop d’entreprises ont utilisé « leur » personnel comme des intrants, comme un coût de production, comme une marchandise. Elles embauchaient les gens quand elles en avaient besoin, les renvoyaient quand elles n’en avaient pas besoin, ne leur témoignaient pas beaucoup de loyauté et ne se souciaient certainement pas beaucoup de leur bien-être personnel. Il faut se rendre à l’évidence, on ne peut pas non plus raisonnablement exiger (du moins pas dans le secteur privé) que les membres du personnel soient maintenus en poste quel que soit leur niveau de compétence ou leur attitude. Tout de même, il est assez facile de comprendre comment les syndicats ont acquis un tel statut dans la société, sans parler du vaste ensemble de lois sur l’emploi qui protègent le personnel, mais aussi les employeurs, des pires tendances du capitalisme.
Pour que ce soit clair, j’adhère à la création manifeste de niveaux de vie et de richesses beaucoup plus élevés dans l’ensemble de la société que le système de la libre entreprise a permis d’atteindre jusqu’à maintenant. Je suis également favorable à la mondialisation, au libre-échange et à l’amélioration de notre niveau de vie et de celui de toutes les autres personnes de la planète. En ce sens, il est difficile de comprendre comment on peut aspirer à construire une grande entreprise en traitant notre personnel comme des numéros (toutes mes excuses à Bob Seger). Pourquoi s’attendre à ce qu’une personne donne le meilleur d’elle-même à une entreprise si celle-ci la traite comme un coût unitaire?
Plus récemment, certains d’entre nous (dont moi-même) ont craint que la révolution numérique n’aggrave encore ce déséquilibre en éliminant un grand nombre d’emplois manuels, dont dépendent tant de personnes, au profit d’ordinateurs portables et de robots.
Cependant, pour le moment du moins, et en ce qui concerne l’avenir prévisible de mon secteur d’activité, la situation s’est soudainement inversée. Il n’y a pas assez de personnes qualifiées pour occuper de nombreux emplois, qu’il s’agisse de tâches manuelles ou de fonctions professionnelles mieux rémunérées. Soudain, il semble que ce soient le personnel qui ait le pouvoir de déterminer les modalités d’emploi. Certains diront que ces personnes agissent en fonction de leurs intérêts personnels immédiats, tout comme le faisaient auparavant leurs employeurs. Donnez-moi ce que je veux, maintenant, et je m’inquiéterai ensuite des conséquences à long terme.
En d’autres termes, après de très nombreuses décennies de ressentiment accumulé après avoir été traités comme des marchandises, je vois de nombreuses personnes (surtout des jeunes, mais aussi des personnes de tous âges) dessiner leur vie professionnelle de la même manière, en se vendant aux enchères au plus offrant, tant que l’occasion se présente. Combien m’offrez-vous? Vendu.
Toutes mes excuses, mais je ne vois pas en quoi le caractère illogique d’une partie justifie le caractère illogique des actions d’une autre. Si vous ne vous souciez pas de votre personnel, comment pouvez-vous espérer créer une entreprise performante? Et si vous ne vous souciez pas de votre entreprise ou des personnes avec lesquelles vous travaillez, comment pouvez-vous espérer poursuivre une carrière brillante?
Je vous demande d’y réfléchir. Je serais heureux de connaître les réflexions des uns et des autres à ce sujet. Celles qui ne sont pas fondées sur la rancœur, bien entendu.
Merci d’avoir pris le temps de me lire.